Camille Fallet
Camille Fallet s’intéresse au vernaculaire aussi bien dans son projet autour de Londres, amorcé alors qu’il étudiait la photographie au Royal College en 2002, que dans la recherche entreprise avec Florent Mulot autour des architectures de bord de mer en Méditerranée. Lors de sa résidence au CPIF (octobre - décembre 2005), il a poursuivi le projet London Photographs. Onze chapitres structurent une collection d’éléments emblématiques de la ville : la City, Oxford Street, l’architecture victorienne ou l’architecture brutaliste... L’inventaire photographique réalisé à la chambre et au petit format, se joue des clichés associés à la ville des double Dekker, cabines téléphoniques et autres mini-jupes pour créer une tension entre le banal et le merveilleux. A la manière de Walker Evans, il répertorie les maisons victoriennes (la référence apparaît d’ailleurs de manière humoristique dans Lombard Road, SW11, 2002 avec le panneau d’un agent immobilier Edwin Evans). De l’architecture victorienne à l’architecture brutaliste, quelques décennies après, se dégage l’idée d’une architecture de masse où les maisons et les blocs de béton jouent la carte de la reproductibilité indissociable de la révolution industrielle. Dans Shoreditch tower block, Balmes Road N1, 2004, l’image d’architecture joue sur l’échec de l’utopie moderniste en proposant deux points de vue tout aussi carcéraux (de loin, des tours brutalistes désertes, de près, une vue sur un parking laissé à l’abandon et ses détritus). De l’architecture de masse à la consommation de masse, il n’y a qu’un pas que le photographe franchit en arpentant Oxford Street le samedi après-midi. Dans ces portraits un hiatus apparaît entre deux registres d’images. Certaines ont été réalisées devant des vitrines de magasin. Frontales ou en plongée, proches de la publicité, elles magnifient une sorte de médiocrité. La vitre et l’éclairage rejouent le dispositif du caisson lumineux si cher à Jeff Wall. Or, la nature même de la scène révèle une forme de banalité sinon de médiocrité : une discussion entre amies, deux petits garçons au fast food, une femme aux abois. Dans ces scènes, qui convoquent Edward Hopper, Steven Spielberg ou David Lynch, il est pourtant questions de nos actes quotidiens. C’est ce décalage entre l’ordinaire et le grandiose, cet effet que les anglais nomment bathos, que l’on retrouve dans les photographies de Camille Fallet.
Audrey Illouz