Camille Fallet
La photographie de Camille Fallet aborde la question du territoire et de ses représentations. En tant que mise en forme d’une pensée, le montage y joue un rôle prépondérant. L’exposition «Documents-2003/2014» à la galerie Cour Carrée présente ainsi une sélection d’oeuvres réalisées au cours des cinq dernières années. Ce choix délibéré, qui soustrait les images aux séries dont elle faisaient partie et qui permet ainsi d’entrevoir la trame conceptuelle dont se supporte le travail du photographe, vient remettre en question le caractère purement documentaire qu’un spectateur hâtif pourrait attribuer à son travail. A travers l’édition, l’oeil s’implique dans la représentation, la neutralité documentaire s’ouvre au regard critique: l’architecture post-brutaliste des logements sociaux londoniens évoquant les échecs de l’utopie moderniste est ici restituée sous forme de grille, élément récurant du modernisme; il en est de même pour la molène et la trace de voiture dans la neige qui, en tant que documents, témoignent des détails du paysage francilien, mais qui, formellement, renvoient au réductionnisme de l’art moderne. C’est en effet ce décalage entre l’ordinaire du sujet et la portée polémique de sa représentation qui est au coeur du travail de Camille Fallet.
Camille Fallet's photography addresses the question of territory and its representations. As a way of shaping a thought process, montage plays a key role. The "Documents-2003/2014" exhibition at the Cour Carrée gallery presents a selection of works produced over the last five years. This deliberate choice, which removes the images from the series of which they were a part and allows us to glimpse the conceptual framework that underpins the photographer's work, challenges the purely documentary nature that a hasty viewer might attribute to his work. Through editing, the eye becomes involved in the representation, and documentary neutrality is opened up to a critical gaze: the post-Brutalist architecture of London's social housing, evoking the failures of the modernist utopia, is rendered here in the form of a grid, a recurrent element of modernism; the same is true of the mullein and the car tracks in the snow, which, as documents, bear witness to the details of the Ile-de-France landscape, but which, formally, refer back to the reductionism of modern art. It is this discrepancy between the ordinariness of the subject and the polemical significance of its representation that lies at the heart of Camille Fallet's work.